Deux équipes françaises ont mis à jour un mécanisme naturel de défense contre les effets néfastes du cannabis chez l’animal. Grâce à cette découverte, les chercheurs développent déjà des approches pour le traitement de l’addiction au cannabis.
La découverte d'une molécule naturelle qui protège le cerveau d'une intoxication au cannabis pourrait aider à la découverte d'un traitement contre l'addiction.
L’addiction au cannabis concernerait plus de 20 millions de personnes dans le monde et un peu plus d’un demi-million en France. La consommation de cannabis concerne principalement les jeunes, une population particulièrement fragile aux effets néfaste de cette drogue. Les dangers d’une consommation régulière à cet âge sont de plus en plus étayés par différentes études (déficits cognitifs, perte de motivation, troubles de la mémoire, décompensation en cas de troubles psychologiques sous-jacents, dépendance…). Une
étude lancée récemment par le CHRU de Nancy est consacrée à ce thème.Les effets du cannabis sur le cerveauA l’origine de ces effets, le principe actif du cannabis, le THC agit sur le cerveau par l’intermédiaire des récepteurs cannabinoïdes CB1 situés sur les neurones. En se fixant sur ces récepteurs, le THC les détourne de leur rôle physiologique qui consiste à réguler la prise alimentaire, le métabolisme, les processus cognitifs et le plaisir. La sur-stimulation des récepteurs CB1 par le THC va en revanche provoquer une diminution des capacités de mémorisation, une démotivation et progressivement une forte dépendance.
De nombreuses études cherchent à identifier des molécules capables de contrer les effets du cannabis et la dépendance qu’il engendre. C’est dans ce cadre que les équipes Inserm de Pier Vincenzo Piazza et Giovanni Marsicano se sont intéressées à une hormone produite dans le cerveau : la prégnénolone. Un mécanisme naturel de défense mis en lumière
Jusqu’alors considérée comme un précurseur inactif à la fabrication des hormones stéroïdiennes (progestérone, testostérone, …), cette hormone aurait un autre rôle. En cas d’intoxication au cannabis, le THC va sur-solliciter les récepteurs cannabinoides qui vont déclencher la synthèse de prégnénolone en grande quantité. Cette dernière se fixe alors sur un site qui lui est spécifique sur les mêmes récepteurs CB1 et diminue certains des effets du THC. En d’autres termes, l’organisme aurait lui-même un mécanisme de protection vis-à-vis du THC qui résiderait dans la production de cette hormone.Pour vérifier cette théorie, les chercheurs ont administré de la prégnénolone à des souris, afin d’augmenter de manière plus importante encore le niveau cérébral de cette hormone, et permettre ainsi de bloquer les effets néfastes du cannabis.
Dans le détail, des rats ont été soumis à de doses équivalentes de cocaïne, de morphine, de nicotine, d’alcool et de cannabis. Le dosage de plusieurs hormones stéroïdes produites par le cerveau a révélé que seul le THC augmente les stéroïdes cérébraux. Parmi ces stéroïdes, seule la prégnénolone augmente de façon considérable (entre +1500 et 3000 % pendant 2 heures). Cette augmentation est un mécanisme endogène qui modère les effets du THC :
- Si on bloque la synthèse de prégnénolone, les effets du THC augmentent.
- A l’inverse, l’administration de prégnénolone à des rats ou des souris, à des doses (entre 2 et 6 mg/kg) qui augmentent encore plus les concentrations cérébrales de cette hormone, permet de bloquer les effets comportementaux négatifs du THC. Par exemple, les animaux ainsi traités récupèrent des capacités mnésiques normales, présentent une sédation plus faible et sont moins motivés pour s’administrer des cannabinoïdes.
Des tests menés sur des cellules en culture qui expriment le récepteur CB1 humain confirment l’efficacité de la prégnénolone pour contrer l’action moléculaire du THC chez l’homme.Vers un traitement de l’addiction au cannabis ?L’hormone ne pourra être utilisée comme telle car elle est mal absorbée et rapidement métabolisée par l’organisme mais Pier Vincenzo Piazza met cependant beaucoup d’espoir dans cette découverte “Nous avons développé des dérivés de la prégnénolone qui sont stables et bien absorbés et qui sont en principe utilisables comme médicament. Nous espérons commencer les essais cliniques bientôt afin de vérifier si nos attentes se confirment et si nous avons véritablement découvert la première thérapie pharmacologique de la dépendance au cannabis“.David BêmeSources : Communiqué de l’Inserm – janvier 201’Pregnenolone Can Protect the Brain from Cannabis Intoxication – Monique Vallée et al. – Science 3 January 2014: Vol. 343 no. 6166 pp. 94-98 (
abstract accessible en ligne)Photo : Rex Features/REX/SIPAClick Here: NRL Telstra Premiership